Le Baby Blues


"Et lorsqu'un premier regard maternel nous a entourés de son amour infini, son inoubliable et doux reflet ne brille t-il pas dans l'azur des yeux de l'enfant? ... La puissance destructrice d'un regard de désespoir et de haine ne continue t-elle pas en revanche de brûler dans l'âme enfantine, sensible à mille impressions différentes bien avant d'être capable de les déchiffrer'"

 

Arthur Schnitzler - Le fils in "Le dernier adieu"

 

 

L’accouchement est un moment crucial, une rupture radicale, un saut dans l’inconnu.

Elle se sentait pleine, l’enfant fonctionnait comme un objet imaginaire venu combler un très ancien désir. Elle pouvait dire « je » pour deux. Déchirée, séparée, vidée… la naissance de l’enfant a ouvert un important écart.


Pendant la grossesse, l’enfant imaginaire était constitué par ses représentations à elle : l’enfant apparaît maintenant réel, comme un inconnu, « un étranger à demeure ». Il lui faut lâcher prise, renoncer à l’illusion que l’enfant viendrait la combler, viendrait saturer son manque.


Qui est cet inconnu ?

Qui est cette nouvelle femme qu’elle est devenue ?


La privation d’une partie de ce qu’elle vivait comme son propre corps ravive ce qui a été pour elle la relation première, réveille la perte ancienne de sa mère, réveille toutes les formes de séparation et de renoncement qu’elle a vécues.


Flottement à inscrire le corps de son enfant comme corps séparé d’elle.

Inquiétante étrangeté. Perception sans représentations. Un moment de déréliction, au bord de la subjectivité . Une angoisse obscure, insaisissable, incernable… peut-être des traces du réel ineffaçable par le symbolique…


peut-être des traces de jouissance de ce qu’elle a vécu avec sa mère les premiers mois de sa vie, lors de cette proximité intense et passionnelle.


Ce moment ne la renvoie-t-il pas au ravage de la première relation avec sa mère ?

Lacan dit dans L’étourdit : « L’élucubration freudienne du complexe d’Oeudipe qui y fait la femme poisson dans l’eau, de ce que la castration soit chez elle de départ contraste douloureusement avec le fait du ravage qu’est chez la femme pour la plupart, le rapport à sa mère d’où elle semble bien attendre comme femme plus de subsistance que de son père, ce qui ne va pas avec lui étant second dans ce ravage ».


Cet enfant, elle lui a donné la vie ; en même temps elle lui a donné la mort. Quelque chose la dépasse, lui échappe, se cristallisant alors sur la peur d’être meurtrière. Elle pense que la mort peut s’abattre sur son enfant à tout moment, qu’elle pourrait le laisser tomber, le perdre, l’oublier… Elle n’ose pas en parler, on la prendrait pour une folle.


Elle en veut alors à cet enfant de lui poser la question de sa propre mortalité à elle. Elle pleure sans savoir pourquoi… Elle ne se sent pas capable de s’occuper de son enfant. Elle a envie d’éloigner son enfant d’elle, de se retirer dans son lit. C’est le « Baby Blues » lui dit-on.


Winnicott dit qu’une femme doit être en bonne santé pour à la fois atteindre cet état et pour s’en guérir. C’est donc un passage nécessaire, important. Comme une absence. Elle s’absente… s’absente-t-elle d’elle-même ou de l’enfant ?


Je suppose que dans ce moment où elle a du mal à symboliser la relation avec son enfant, elle agit avec son corps, dans cette absence, la séparation pour que la présence de l’enfant soit constituée comme telle, détachée de la présence réelle. Le seul moyen de saisir la présence, mais aussi bien l’absence, est d’arracher l’objet à sa présence réelle en l’envoyant se balader ailleurs.


Le geste de disparaître est aussi une consersation. C’est comme si la mère devait faire elle-même l’opération de « Fort-Da » à ce moment là pour pouvoir se représenter son enfant sexué et séparé, pour l’envelopper à nouveau d’imaginaire, pour pouvoir penser son enfant nouvellement perçu, pour reconnaître dans son enfant un être humain qu’elle va adopter.


[ Petite parenthèse pour rappeler que « Fort-Da » est une vocalisation de l’enfant pour nommer la présence et l’absence. L’enfant s’attachait à jeter une bobine en bois entourée d’un fil loin de lui et à la faire disparaître de sa vue en disant « Fort » et saluer sa réapparition par un « Da ».


L’enfant se dédommageait de la douleur du départ de sa mère en mettant en scène la disparition et la réapparition de l’objet aimé. A la place du vide laissé par la mère vient s’inscrire et se représenter symboliquement « le jeu de l’absence » qui assure à l’enfant la présence de sa mère intérieure.


Là c’est la mère qui aurait à faire cette opération pour pouvoir nouer l’évènement de l’accouchement aux filets du langage, au symbolique.

Pendant la grossesse s’était instaurée une relation imaginaire mère enfant dans laquelle l’enfant était représenté non pour ce qu’il est dans la réalité mais par des représentations que sa mère avait investies de sa libido, l’enfant chéri de ses rêves. Pendant les quelques jours qui suivent la naissance de l’enfant, le réel du corps de l’enfant fait irruption. Ecart, décalage.


L’illusion se heurte à la violence du réel. Il faut qu’elle puisse se le représenter et l’habiller à nouveau d’imaginaire pour établir une relation symbolique avec lui . Quelque chose d’elle se détache tout en étant encore bien à elle retenue. Séparation progressive, par à coups, toujours à remettre en chantier, il y aura de l’inséparé…


A ce propos, je vais vous dire la témoignage d’un homme :

«Peut-être certains d’entre vous ont-ils pratiqué, dans leur enfance, un jeu que j’aimais bien et qui s’appelait le jokari, réservé aux malheureux qui n’ont pas de fronton : une balle en mousse attachée à un élastique, lequel élastique est noué à une masse en bois.


Le joueur, armé d’une raquette genre pelote basque, tape de toutes ses forces dans la balle qui, en général, revient en respectant les lois d’une physique élémentaire. Mais il arrivait parfois que le fil se cassât : usure du temps, frappe plus violente, soudain désir de la balle de fuir des coups répétés… allez savoir !


Mais je me souviens assez bien de l’émotion très particulière qui marquait pour moi un tel moment, et mon attachement pour ce jeu pendant plusieurs années n’a pas tenu qu’à quelques conditions culturelles ; je tapais comme une brute pour qu’à nouveau, peut-être, le fil se casse – il n’est pas facile, pour un enfant, de donner expression à ses relations complexes avec le royaume maternel. Mais lorsqu’il arrivait qu’enfin le fil se cassât, c’était pour moi l’instant magique par excellence : fugitif, fugace et rare somme toute.


Quand, bien que des années plus tard, je pus lire dans Kant que le sublime est à concevoir comme le moment ponctuel de notre arrachement au sensible, j’ai cru voir à nouveau ma balle de jokari me fausser compagnie, pour aller se perdre dans le vaste univers ».


A la naissance de l’objet « comme tel », il y a du deuil, sûrement, mais accompagné aussi de cette poésie particulière qui marque les moments où se passe, enfin et vraiment, quelque chose, autrement dit quand se rompt l’ordre antérieur. C’est aussi bien ce que Lacan salue dans son séminaire L’Angoisse dans une phrase comme celle-ci :  « L’objectivité surgit comme le corrélat d’un pathos de coupure ».


Toujours est-il que cette balle une fois perdue, s’ouvre alors le royaume de ce que Freud nomme, dès les Trois Essais, l’Objektfindung, la quête de l’objet, une quête dont il dit tout de suite qu’elle est , en fait, une re-quête (Wiederfindung). Le baby blues n’est pas pathologique.


C’est le moment de dépression nécessaire pour qu’une relation symbolique puisse advenir entre la mère et son enfant – à ne pas confondre avec des dépressions plus marquées ou des états mélancoliques graves de la mère.

Des anthropologues nous disent que de nombreuses sociétés africaines échappent à ce phénomène. Dans ces sociétés où il existe un rituel hautement symbolique d’accueil de la naissance et de prise en charge de la maternité, le baby blues n’existerait pas.


A ce moment précis de l’accueil d’un nouveau-né, il est important que surgisse la dimension de l’hospitalité. Certaines cultures ritualisent comment, après la mise au monde de l’enfant, il faut à la société un temps de fabrication culturelle de l’enfant. En chine, il est une phrase rituelle que la parturiente dit à son enfant : « je salue en vous, ô mon enfant, au nom de mes ancêtres, les ancêtres de votre noble père ».


Ce réel neuf pour elle va être inséré par sa généalogie, par son rapport aux ancêtres. Elle s’inscrit alors dans la série des mères.

Quand l’enfant naît, la mère a besoin d’un tiers vers qui se tourner, un autre accrédité par elle qui s’adresse à elle et à l’enfant.


Elle a besoin à ce moment là d’un homme qui la désire comme femme et qui lui permette de marquer un écart entre le féminin et le maternel.

La maternité pourra alors se construire, mais non sans difficultés… il lui faudra inventer.


C’est la construction d’une histoire d’amour qui commence bien avant la naissance, bien avant la conception, à l’époque où la mère, imitant la sienne, se consolait d’être une petite fille en jouant à la poupée, à l’époque encore plus lointaine où sa propre mère s’occupait d’elle bébé.


C’est à partir du savoir insu de la mémoire de sa sexualité infantile, de l’enfant qu’elle a été d’un père et d’une mère, qu’elle aménagera à l’homme qu’elle désire une place de père, place qu’elle lui réservera en fonction de l’issue qu’elle aura trouvée étant petite fille à sa situation œdipienne.


Un père réel pourra s’y inscrire si cet homme la désire et si sa parole à lui compte pour elle. Père dont la fonction sera d’incarner la fonction symbolique de transmission de la loi. C’est son désir à elle qui aura été le médiateur permettant l’opération symbolique.


Une femme qui se retrouve sans un entourage solidaire au moment de l’accouchement qui lui permette de vivre son baby blues peut avoir des pulsions de destruction accrues vis à vis de son enfant comme le témoigne cette très belle nouvelle de Schnitzler – « Le fils ».


Ce fils à qui cette mère passait tout depuis sa plus tendre enfance, à qui elle donnait tout ce qu’elle avait et lui la menaçait, il lui fallait encore de l’argent.


Ce fils qui a levé la hache sur la tête de sa mère. Cette mère qui sur son lit de mort disait :

« j’ai été abandonnée avant qu’il vienne au monde, lui notre fils, à moi et à lui – et alors oh c’est un pur hasard qu’il soit en vie car la première nuit j’ai voulu le tuer. J’étais seule et désespérée. J’ai pris les couvertures et les draps et l’ai fourré dessous pensant qu’il étoufferait et au matin, quand j’ai soulevé en tremblant les couvertures, il s’est mis à geindre. Il respirait, il était vivant.


Je me suis mise à trembler devant ce petit être. Je l’ai laissé me frapper. Je désirais éperdument être délivrée de ma faute tout en sachant que c’était impossible ».

 

Sortie de son « Baby Blues », elle va pouvoir investir libidinalement « His majesty the baby », selon l’expression freudienne. Elle va décentrer son narcissisme phallique sur lui. Elle va lui donner l’investiture, acte formaliste accompagnant la tradition.

Dans ce moment où elle devient mère, elle rencontrera la façon dont sa propre mère a été mère et comment cette dernière l’a négocié eu égard à ses désirs d’autre chose (travail, plaisir, création…).


Elle donne le sein à son enfant. Certes ce sein satisfera les besoins de l’enfant. Mais surtout, ce don du sein s’accompagnera de signes d’amour : un sourire, une caresse, un regard, des mots porteurs de l’envie de communiquer, d’entrer en relation avec l’enfant, de lui parler, de l’entendre, de dialoguer avec lui.


Pour pouvoir donner ce sein, il lui a fallu d’en séparer, ne pas être tout dans ce sein qu’elle donne. Sinon elle se sentirait persécutée par la demande ou le refus de l’enfant.


Celui-ci rencontrerait alors une demande tyrannique à laquelle il lui serait difficile d’échapper, sinon par l’anorexie par exemple. La rêverie maternelle, son désir « d’autre chose », le fait qu’elle ne soit pas toute dans le sein qu’elle donne, permettra à l’enfant d’incorporer à travers ce lait la présence du tiers symbolique.


En effet, elle lui donne le sein , mais aussi l’articulation signifiante. Elle joue avec lui, jeux par exemple d’occultation qui se vite chez l’enfant déchaînent le sourire, voire le rire. Elle fait disparaître son propre visage, et le fait réapparaître, ou cache la figure de l’enfant ; ces jeux étant une action symbolique.


Elle va lui parler : le corps à corps entre elle et son enfant sera médiatisé par la voix. Les paroles qu’elle va moi adresser, par ses composantes phonétiques, pulsionnelles, désirantes et ayant la marque de la jouissance dont elle est porteuse, seront tout à fait centrales dans la constitution du lien avec son bébé. Remplir de mots le vide de la bouche ne s’opère qu’avec l’assistance constante d’une mère s’adressant à l’enfant.


Des expériences1 ont montré que les bébés reconnaissaient la voix de leur mère après seulement quelques jours, et qu’au bout de quelques mois, ils préféraient écouter parler dans un style que les anglo-saxons appellent « Mortherese » et qui est traduit par « mamanais ».


C’est le dialecte de toutes les mères du monde quand elles parlent à leur enfant : leur voix est haut perchée et leur intonation exagérée. L’enfant crie, il gazouille, babil prélevé à partir des sons entendus autour de lui.


Ce babil, la mère l’entendra comme un appel si elle réalise que l’enfant s’adresse à elle et qu’elle lui répond en donnant du sens à ce babil. Elle lui dira par exemple : « tu as soif », « tu veux que je te prenne dans les bras », etc., supposant à l’enfant une certaine demande organisée autour d’un objet.


C’est sa réponse à elle qui fera que le babil de l’enfant se transformera en signifiant de la demande et lui permettra d’entrer dans le langage.

Ses paroles de mère se soutiennent de son désir, de son angoisse, d’énervement et d’amour, depuis le lieu d’un profond engagement.


Un nouvel être se construit avec ses paroles, avec son désir qui se dira aussi entre les lignes, à son insu : langage des gestes, des sons, des regards. Elle lui dira « tu es mon enfant chéri » mais elle ne pourra pas lui dire qui il est. Elle n’a pas réponse à tout… il y a un manque au niveau du langage qui relance la parole et le désir.


Elle suppose d’entrée de jeu un sujet chez son bébé au point où, celui-ci pleurant malgré ses différentes réponses à elle, elle dira : il se moque de moi, lui attribuant la capacité de feinte et d’humour.


Cette violence opérée par son interprétation sur l’ensemble des manifestations de l’enfant est nécessaire, dit Pierra Aulagnier 2 . Berger et Balbo 3 vont même plus loin en introduisant le transitivisme à propos de ce coup de force nécessaire de la mère : la mère force l’enfant à s’intégrer au symbolique, à faire rentrer son corps dans la parole. C’est dans le crédit que la mère fait à l’enfant qu’il lui fait une demande à elle, la mère, qu’est impliqué le tiers.


Et ce que dit ce crédit lui-même est logiquement articulé à l’hypothèse d’un savoir chez l’enfant, puisqu’en lui disant « tu as froid » elle suppose qu’il sait ce que « froid » veut dire. Si cette supposition venait à manquer, elle se contenterait de le couvrir avec une couverture sans rien dire.

 

 

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1 Cf Jacques Melher et Emmanuel Duproux, Naître HUMAIN, Ed. Odile Jacob ; et Bénédicte de Boysson-Bardies, Comment la parole vient aux enfants, Ed. Odile Jacob

2 Cf Pierra Aulagnier, La violence de l’interprétation, PUF

3 Cf Berges et Balbo, Jeux des places de la mère et de l’enfant, Eres

 

 

 

Cette violence de l’interprétation est nécessaire pendant une phase de l’existence de l’enfant. Quand elle parle ainsi à son enfant, elle lui permet de décoller du réel et d’accepter la greffe signifiante qu’elle lui fait , l’appareillage symbolique qu’elle lui tricote.


Une étude intéressante de Severina Silvia Maria Olivera Ferrera, psycholinguiste de formation psychanalytique, décrit comment la mère s’adresse à son enfant en lui attribuant des « tours de parole ».


C’est la mère qui parle à la place du bébé à la première personne, mais comme cette parole est supposée par la mère comme étant produite par le nourrisson (« l’illusion anticipatrice »), elle répond en s’adressant à la deuxième personne à son nourrisson.


Le nourrisson se manifeste alors par un mouvement ou souvent par un son, ce qui est immédiatement traduit par la mère à la première personne.


Ce dialogue peut continuer un certain temps. Quand deux phonèmes sont produits par le nourrisson à la suite l’un de l’autre, la mère ne se permet plus d’attribuer une signification à sa place à la première personne mais lui dit « ah bon, raconte, dis ».


Le risque de ce forçage, c’est l’excès, que cette mère ne supporte pas par la suite d’être débordée par l’enfant qui fera objection à ses dires.

Cet enfant, elle va le regarder.


C’est là où il verra étant vu par elle comme aimable que le narcissisme naissant de l’enfant s’articulera à son narcissisme à elle. Winnicott parle du visage de la mère comme miroir, c’est-à-dire quelque chose de son désir pour son bébé qui serait dans les traits de son visage, dans sa façon de regarder.


La clinique montre les effets ravageants sur l’enfant d’une mère qui, tout en étant physiquement dans le même espace que l’enfant, tout en exécutant les gestes qui conviennent pour répondre aux besoins de celui-ci, ne peut pas le regarder.


Il s’agit ici de regard au sens de présence, d’un regard qui n’est pas la vision mais qui a comme visée un devenir, un advenir. Marie-Christine Laznick 4 nous dit que certaines mères ne sont pas capables d’illusion anticipatrice : « Quand je faisais remarquer à la mère de Philippe qu’il venait de dire « donne », elle me rétorquait à juste titre qu’il ne s’agissait que d’une lallation dont le son se situait entre « tonne » ou « ponne ». Elle avait raison et néanmoins, cette impossibilité d’anticiper rendait impossible que cela advienne ».


Selma Freiberg, psychanalyste travaillant aux Etats-Unis avec des bébés aveugles dit notamment que ceux-ci répondent au regard de leur mère : ils sourient en touchant son visage, ils appellent en entendant sa voix.


Elle décrit par contre les bébés qui, n’ayant aucun trouble organique, tout en étant élevés par leur mère, présentent un tableau de carence maternelle semblable à l’hospitalisme.


Ces bébés présentent un trait supplémentaire caractéristique : ils évitent le visage et la voix de leur mère, comme un retranchement sélectif des signes perceptifs correspondant à la mère. Le regard tel que Sartre nous le décrit dans L’Etre et le Néant s’oppose à la vision pour renvoyer plutôt à la notion de présence.

 

J’ai parlé de la fabrique d’enfant par la mère. Il y a aussi une partie à jouer par l’enfant. Certes il est dépendant de la façon dont sa mère, dont ses parents eux-mêmes ont négocié le manque et l’ont transmis. Mais il n’est pas sans activité sur ce dont il dépend. Le langage lui vient de l’Autre mais il lui faudra le conquérir, se l’approprier.


Déjà le babil du bébé implique qu’il prélève autour de lui des sons entendus. Une part active de lui est aussi requise au moment du stade du miroir :

 

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4 Cf Marie-Christine Laznick, Vers la parole, Denoël

 

 Quand l’enfant se retourne pour attraper le regard de l’Autre. Il va intérioriser ce signe de l’assentiment de l’Autre, il va prélever, intérioriser un trait. Un point est choisi par l’enfant où il se voit étant vu par l’Autre. D’autre part, l’enfant peut accepter ou pas de ne pas être tout pour l’Autre. Chaque enfant réagira différemment. Certains préféreront être rien –« Si je ne suis pas tout, je ne suis rien »--, d’autres le négocieront mieux.

 

Pour terminer, je vais revenir au « Baby Blues ».


Pourquoi parler de « Baby Blues » et non pas de « Mother Blues » ?


Est-ce parce que c’est le nouveau né qui provoque le baby blues chez la mère ?


Est-ce un escamotage de ce traumatisme qu’est pour une femme l’accouchement et le fait de devenir mère ?


On parle beaucoup de traumatisme la naissance pour l’enfant, or que sait-on de la naissance du nourrisson ?


Si on le savait, ce serait l’énigme de l’origine qui serait résolue.

On parle peu du « Mother Blues », moment important, temps nécessaire qui marque l’écart entre une mère et son enfant, pour permettre à cette mère d’établir une relation symbolique avec son enfant.


Faire l’hypothèse d’un sujet pour son enfant, pouvoir lui reconnaître une place, dépendra de celle qu’on lui aura laissé à elle-même, dépendra aussi de ce qui se joue pour elle au moment de la conception et de l’accouchement de cet enfant là, dépendra de la médiation que son désir aura rencontré .

 

 Kathy SAADA